Open space : la chute du mur n’est pas une victoire…
Alexandre des Isnards, auteur de « L’open space m’a tuer » décrypte pour nous le cauchemar du bureau sans cloisons…
TBE : L’open space tend a se généraliser dans les entreprises, bonne idée ? A. d. I. : Dans les agences de comm’ ou de marketing, le phénomène n’est pas nouveau. Aujourd’hui, il gagne les grandes entreprises et les administrations... Et non, ce n’est pas toujours une bonne idée ! Les arguments utilisés par le management sont le fameux « décloisonnement », qui favorise la circulation des idées, qui optimise la communication. En réalité, une des premières motivations est l’économie de mètres carrés. Des situations ubuesques en découlent : une réorganisation de l’espace sans stratégie managériale ni conduite du changement est vouée à l’échec.
TBE : Comment l’open space influe-t-il sur les comportements ? A. d. I. : La perte d’identité est un des premiers deuils que doit faire le collaborateur. Tout le monde a le même bureau, la même petite lampe, le même (tout petit) espace personnel… Même si les parcours et les compétences sont radicalement différents. Cette perte d’individualité est un facteur de stress. Plus grave, l’open space génère du présentéisme : on grille de précieuses minutes en fin de journée pour ne pas être le premier à partir. Des stratégies se mettent en place pour avoir le bureau près de la fenêtre ou l’immense honneur de posséder un placard personnel (ce sont souvent les cadres qui en bénéficient). Le summum de la gloire étant, bien sûr, d’avoir le droit à un bureau personnel… Loin de l’open space !
TBE : Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Les français adorent importer les méthodes anglo-saxonnes, mais oublient en cours de route que la culture du travail est radicalement différente, chez nous. Outre Atlantique, le pragmatisme est la règle : on fixe des objectifs et on valide qu’ils ont été atteints, on veut de la performance. En France, le management est très hiérarchisé, on doit faire allégeance à son boss. La pression qui en résulte fait que tout le monde est sur le qui-vive : N+1 passe derrière le bureau ? Vite, on ferme les fenêtres d’applis ouvertes sur son écran. Personne ne se pose réellement la question de la performance. L’open space est avant tout, chez nous, un révélateur de déficit managérial. Dommage !
Crédit photo : E. Robert Espalieu